Association pour la Sauvegarde d'Ussy

Depuis Ussy, Samuel Beckett  rectifie  un point de la mise en scène de « En attendant Godot….. » lors de la création de la pièce à Paris (1953)

Voici la lettre que Samuel Beckett a écrite à Roger BLIN pour la première mise en scène de « En attendant Godot » en 1953.

Cette lettre de Samuel Beckett a été dactylographiée le 9 Janvier 1953 à Ussy-sur-Marne, probablement dans sa maison construite en 1952/1953 sur un terrain acquis en Juin 1952 à Molien (1) (hameau d’Ussy).

Il est également possible que Samuel Beckett ait commencé à venir à la campagne à Ussy-sur-Marne, dès 1948, d’après son biographe James Knowlson (2), le village étant facilement accessible par le train et il était alors en location dans le village bien avant l’acquisition du terrain et la construction de la maison par un maçon du village (3).  Sans nul doute cette pièce a été écrite en partie à Paris, et à Ussy, entre 1948 et 1949.

Qui est Roger Blin ?

En 1949, Roger Blin dirige le théâtre de la Gaité Montparnasse en tant que gérant. En 1950, il rencontre Suzanne Deschevaux-Dumesnil, future épouse de Samuel Beckett, laquelle confiera à Roger Blin deux manuscrits de son compagnon : « Eleutheria » et « En attendant Godot ».  Cette pièce est écrite en français et publiée en 1952 à Paris, aux Editions de Minuit.

Samuel Beckett se fit connaître au début des années 50, d’un très petit nombre de lecteurs du quartier de Saint-Germain-des-Prés. « J’ai commencé d’écrire Godot pour me détendre, pour fuir l’horrible prose que j’écrivais à l’époque » déclara Beckett lorsqu’il reçut, seize ans plus tard, le Prix Nobel de Littérature. Rédigé en langue française, le manuscrit indique les dates du 9 octobre 1948 et 29 janvier 1949 (4).

Timide, introverti, solitaire, Beckett était incapable de présenter ses écrits à quelqu’un et encore moins de les défendre. La tâche en revint à Suzanne, l’épouse parfaite d’un auteur dramatique. Ne trouvant aucun recours auprès des directeurs de théâtre, elle s’adressa au metteur en scène Roger Blin, bien connu dans les milieux de l’avant-garde littéraire (4).

  • « Je connaissais un peu Beckett de réputation, raconta Blin, (…) Beckett avait fréquenté un moment de sa vie les surréalistes et Tristan Tzara qui admirait beaucoup « En Attendant Godot » et m’en avait beaucoup parlé. Quand j’ai lu Godot, j’ai été séduit immédiatement par l’humour et la provocation (…). J’étais très excité par cette pièce et je désirais la monter très vite » 

La pièce faillit ne jamais voir le jour. Trente-cinq directeurs de théâtre la refusèrent. Pour les uns, le manuscrit n’était qu’un canular, pour les autres une ineptie incompréhensible donc injouable, une esbroufe qui prétendait faire du neuf (4).

C’est au théâtre de Babylone, boulevard Raspail que la pièce fut alors créée, car son directeur, Jean-Marie Serreau l’ayant ouvert au printemps 1952 se trouvait en faillite dès décembre de la même année… Il invita Roger Blin à utiliser la salle.

Et c’est ainsi que Samuel Beckett et Roger Blin prirent possession de la petite salle du théâtre de Babylone.

La création a eu lieu en janvier 1953 avec la mise en scène de Roger Blin qui jouait lui-même le rôle de Pozzo sous la supervision précise de Samuel Beckett.  L’acteur qui jouait Estragon, Pierre Latour, (4)  ne voulait pas baisser son  pantalon à la fin de la pièce, car il trouvait cela ridicule. En l’apprenant, Beckett écrivit à Blin (ndlr : d’où cette lettre écrite à Ussy.ndlrpour lui expliquer que la chute du pantalon était une des choses les plus importantes de la pièce. Après de longues négociations, Latour accepta. Le pantalon tomba. L’effet produit fut assez inattendu : ce fut un des rares moments de Godot où personne ne rit (4).

Le temps des répétitions fut très court. Depuis de longs mois, les comédiens,  se réunissaient chez Roger Blin pour travailler, sans toujours bien comprendre où voulait en venir l’auteur. Le texte leur paraît facile à apprendre et à retenir. Le dialogue est limpide, fait de phrases courtes, banales, sans aucune ambiguïté. Les personnages s’entretiennent simplement, comme tout un chacun dans le quotidien. Là où les choses se compliquaient et posaient quelques problèmes aux comédiens, c’était l’enchaînement de l’écriture. La ponctuation avait une grande importance.

La pièce fit scandale à l’époque. La situation a dégénéré un soir en une bagarre et  le rideau s’est baissé au début de l’acte II. C’est aussi ce qui l’a rendue célèbre : les gens se déplaçaient pour vivre le scandale, plus que pour découvrir un jeune auteur. (4)

Pas besoin d’affiche publicitaire – d’ailleurs on n’a pas d’argent – le bouche à bouche fonctionne à merveille et le bruit circule dans le tout Paris « qu’il se passe quelque chose au 38, boulevard Raspail ». Tandis que la caissière affiche COMPLET, Jean-Marie Serreau va emprunter au café voisin des chaises pour les spectateurs de dernière minute. Le théâtre Babylone fut sauvé pour une année.

Et la pièce « En Attendant Godot » commençait une très longue carrière : c’est en effet l’une des pièces les plus connues de la seconde moitié du 20e siècle et sans doute l’une des plus jouées.

Yvonne AMPEN, adhérente.

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(1) voir page 11 et 12 de notre brochure ASU « Samuel Beckett à Ussy-sur-Marne »

(2) James Knowlson est le seul écrivain ayant obtenu de Samuel Beckett l’autorisation de rédiger sa biographie (parution 1996 Londres) traduite en français chez Actes Sud en 1999 – 883 pages et 160 pages de notes. Il fut un proche de Beckett pendant plus de vingt ans.

(3) voir page 7 à 11 de notre brochure

(4) Extraits d’archives France Archives, portail national – souvenirs de Geneviève Latour épouse de Pierre Latour- Commémorations collections 2003

Sabrina sur Youtube nous parle de la pièce

Lettre-SB-a-Roger-Blin-Ussy-9-janvier-1953